29.3.08

Le miroir de l'esprit (II)

Quand la réalité devient trop lourde à gérer, l'esprit n'a pas son pareil pour imaginer des stratégies de repli. Après avoir exploité la planète de manière inconsidérée, l'humanité croit entrevoir une lueur d'espoir dans les technologies d'avant-garde (nano, génétique, bio-informatique). Elle ne se fait en tous cas pas prier pour prendre refuge dans le web, qui lui apparait comme une sorte de cocon expérimental, d'où elle pourrait attendre en toute quiétude une éventuelle métamorphose. On ne peut dès lors que constater l'exode massif vers cet univers séduisant, où tout paraît encore possible : personnes privées et entreprises jouent des coudes pour y installer leur petit commerce et y déménager leurs relations et leurs centres d'intérêt. Les simulations de Second Life cherchent à nous persuader que les activités virtuelles sont bien plus passionnantes et plus enrichissantes que le contexte trivial du quotidien. Il se trouve même quelques gurus pour affirmer qu'au 21ème siècle on ne peut plus prétendre à la moindre crédibilité sans s'afficher sur internet, point à la ligne. Toutefois, en oubliant systématiquement d'en évoquer un corollaire logique (juste le genre de petit détail qui déchire un peu), ils ne se présentent pas en visionnaires éclairés ni en bienfaiteurs de l'humanité. Il est pourtant à la portée du premier venu de s'aviser qu'une vulgaire panne d'électricité cascadée (sans même faire allusion aux crash de serveurs relevant de facteurs accidentels ou intentionnels) serait en mesure d'envoyer tout l'ingénieux dispositif valser dans le néant. Ah! nous sommes bien peu de chose, ma bonne dame ... Envisagé sous un angle philosophique, un tel événement ne serait à rater sous aucun prétexte pour quiconque voudrait approfondir sa compréhension des phénomènes d'apparition et de disparition !

Toujours est-il qu'englué dans les problèmes qu'il a lui-même suscités, déprimé par un horizon obstrué et sentant sa vitalité s'étioler, l'homo sapiens aspire surtout à hiberner en attendant le retour du printemps. A défaut de trouver des portes de sortie, il a su aménager une tanière abstraite, une excroissance mentale dans laquelle il peut s'insinuer et se lover. Sa pensée se coule dans le cyberespace, jonglant avec les apparences, s'amusant à projeter des configurations paradoxales et à élaborer des ensembles conceptuels inédits. Son esprit peut y jouer comme un magicien s'enchantant de ses propres sortilèges, enfin délivré des contingences physiques. Dans les méandres du web les fantasmes les plus extravagants deviennent possibles, l'individu peut exister tel qu'il se voit ou tel qu'il se rêve, sans être réfréné par le filtre des conventions. Reprenant goût à la vie, la chenille devient papillon, le bourgeon devient liane - la conscience étire ses branches et ses ramifications dans une dimension désormais libérée de la gravité. Comme les palétuviers dans la mangrove, les esprits se faufilent dans toutes les directions pour s'enchevêtrer les uns aux autres ...

Et tandis que les internautes sont occupés à explorer le versant végétal de leur psychisme, le jardinier n'est pas bien loin, veillant avec sollicitude sur les allées (et les venues). Les Petit Poucet du net sèment à leur insu des kilos de gravier virtuel. A chaque connexion, ils se font discrètement prendre en filature, à chaque embranchement leurs choix sont dûment relayés. Des mots-clés spécifiques leur sont personnellement assignés et, privilège insigne, aimablement proposés par messire Google, le roi du sac à malices. Insidieusement, l'espace de liberté et de créativité devient normatif, le partage spontané des données tend à devenir un système en faisceaux (flux RSS, Atom), le treillage innocent devient treillis. Les sens interdits poussent comme les champignons, les clairières mystérieuses se transforment en zones de pique-nique et les chemins de traverse deviennent des voies à péage. La forêt profonde du web serait-elle destinée à être quadrillée comme un parcours de golf ? Peu vraisemblable, direz-vous ...
Une légende urbaine raconte pourtant que l'on élague déjà les arbres qui dépassent ... ou les sites qui dérangent.

Pierre Chapignac, analyste de l'impact des nouvelles technologies, donne un aperçu de la situation qui laisse pour le moins songeur et pourrait procurer quelques frissons aux âmes sensibles :

Le visage avenant du soft power ne doit pas nous faire perdre de vue que la clé du pouvoir réside désormais dans le contrôle des consciences et qu'à ce titre, le web peut aussi être une arme redoutable..

métadonnées : cognition, légende urbaine, tendances, web sémantique

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Alors, on aime se faire des petites frayeurs ? En réalité, c'est encore pire que tout ce que tu peux imaginer, ha, ha, ha !

Anonyme a dit…

hello, Grand manque de clarté, vive les clairières printanières pleines de nains de jardin....