3.5.08

Merci Dr. Hofmann !



Le célèbre chimiste suisse Albert Hofmann s'est désincarné le 29 avril à l'âge vénérable de 102 ans, et l'humanité (en particulier les soixante-huitards) lui doit beaucoup !


"Vendredi dernier 16 avril 1943 en plein après-midi, j'ai dû interrompre mon travail au laboratoire et me rendre à mon domicile : en effet, j'ai été pris d'une angoisse étrange en même temps que d'un léger sentiment de vertige. A mon domicile, je me suis allongé et j'ai sombré dans un état second, qui n'était pas désagréable, puisqu'il m'a donné à voir des images fantasmagoriques extrêmement inspirées. J'étais dans un état crépusculaire, les yeux fermés (je trouvais la lumière du jour désagréablement crue), j'étais sous le charme d'images d'une plasticité extraordinaire, sans cesse renouvelées, qui m'offraient un jeu de couleurs d'une richesse kaleïdoscopique. Au bout de deux heures environ, cet état se dissipa". (Albert Hofmann, LSD mon enfant terrible, L'Esprit frappeur, 2003 - originalement publié en 1979, en langue allemande).


Ce sont les termes du rapport que le Dr. Hofmann envoya à son supérieur. Il venait de tester involontairement la molécule qu'il avait synthétisée à partir des alcaloïdes de l'ergot de seigle, le LSD 25 (diéthylamide de l'acide lysergique). Dès le 19 avril, il décida derechef de procéder à une nouvelle auto-expérimentation. Il en conclut que "le LSD était bien une substance psychoactive dotée de qualités extraordinaires. A ma connaissance, aucune substance connue à ce jour ne produisait, à des dosages si infimes, des effets psychiques d'une telle intensité".


Il conclut l'ouvrage sur ces mots : "L'importance spécifique du LSD, je la vois dans la possibilité qu'il offre d'apporter un soutien matériel à toute méditation fondée sur la recherche de l'expérience mystique d'une réalité à la fois plus haute et plus profonde. Cette utilisation correspondrait tout à fait à l'essence et au caractère actif du LSD comme drogue sacrée".


Après être avoir été largement testé en milieu psychiatrique et par l'armée, le LSD devint au cours des années 60 la drogue culte des milieux alternatifs : beat generation, hippies, babas cool, artistes et intellectuels. La démarche psychédélique (révélatrice de l'esprit) était alors un devoir moral. On faisait des "acid trips" et parfois, on n'en revenait pas. Il fallait s'accrocher, mais que de magnifiques expériences psychiques, voire mystiques ont été vécues !


Le docteur en psychologie clinique Timothy Leary, surnommé le pape du LSD, en fut l'un des plus brillants avocats (ce qui lui valut de se retrouver en prison). Sa devise était : "turn on, tune in, drop out !" (branchez-vous, mettez-vous en phase, lâchez prise !). Il voulait dire par là : branchez-vous sur la contre-culture et l'acide, mettez-vous en phase avec la nature et vos vibrations intérieures, laissez tomber la société matérialiste et ses mensonges. Il prônait l'exploration et l'expansion de la conscience. Des dizaines de milliers de jeunes occidentaux découvraient avec ravissement qu'il est possible de vivre autrement, avec comme apothéose les voyages en Inde (en auto-stop et sans un sou en poche, pour la plupart), ainsi que les grands festivals de musique comme Woodstock et Wight. Bien entendu, les autorités finirent par voir d'un mauvais oeil cette déferlante du flower power et le LSD fût peu à peu prohibé dans la plupart des pays.


Ci-dessous, deux extraits significatifs de son ouvrage, Timothy Leary, La Politique de l'extase, Fayard 1973.


"Le LSD nous branche sur Dieu


Le fait que le LSD produise l'extase et une rapide guérison était probablement une raison suffisante pour qu'il fût banni en Amérique, mais il allait surgir de nouvelles données qui augmenteraient l'opposition médicale. Il apparaissait en effet de façon évidente que les drogues psychédéliques provoquaient des expériences religieuses. Horreur ! Dans l'étude de Savage, 90% des sujets firent état d'"une plus grande connaissance de Dieu ou d'un pouvoir supérieur". "Les drogues provoquent la fin de la quête du Christ pour atteindre directement le Saint Esprit", fut le commentaire paradoxal de Theodore Gill, président du Séminaire de Théologie presbytérienne de San Francisco."


"Branchez-vous ou éjectez-vous en parachute


Le danger du LSD n'est ni physique ni psychologique, mais socio-politique. Ne vous y trompez pas : l'effet des drogues d'expansion de la conscience finira par transformer nos conceptions de la nature humaine, des capacités humaines et de l'existence. Mesdames et messieurs, le jeu va changer. L'homme est sur le point d'utiliser enfin ce fabuleux réseau électrique que recèle son crâne. Les institutions sociales actuelles feraient mieux de se préparer au changement. Nos concepts favoris barrent la route à une marée montante de deux millions d'années. La digue verbale s'écroule. Cap sur les collines, ou préparez votre bateau intellectuel à naviguer avec le courant."


métadonnées : cognition, tendances, visions, zarbi