4.3.08

Le miroir de l'esprit (I)

Au fil des années, Internet est devenu un gigantesque réservoir virtuel reflétant l'activité des cerveaux humains en temps réel. Contrairement à ce l'on peut entendre ici ou là, il n'est pas question d'une bibliothèque colossale où pourraient être recensés tous les savoirs. Le web est bien trop fluctuant et trop aléatoire pour prétendre à ce statut. En pratique, il s'agit plus d'enregistrer des configurations mentales et des représentations éphémères que des connaissances, lesquelles sont d'autant plus sujettes à caution sur le net qu'il est impossible d'en vérifier la source. Cet entonnoir fantomatique flottant à mi-chemin entre le réel et l'iréel avale sans discernement les rebondissements de l'actualité et les manifestations périodiques de consciences éparpillées à la surface de la planète. Désormais, toute production de l'esprit qui se respecte se doit d'être traduite en langage balisé et basculée séance tenante dans la dimension numérique, pour y être identifiée par les puissants algorithmes des spiders. Dans un troublant effet de mode la moindre contribution, aussi futile soit-elle, aspire frénétiquement à être acheminée vers cette vitrine illusoire, oscillant entre formulation et désintégration. Sitôt mise en ligne, l'information est noyée dans le magma sémantique, avec l'espoir pathétique de rester en surface et d'apparaître dans les résultats des moteurs de recherche.

"Hippocampe" de Salvatore di Giovanna

En dehors d'un jouet passionnant, énorme capteur d'énergie mentale, quel rôle attribuons-nous au web ? Est-ce un ballon d'essai, une bulle narcissique ou une bouteille à la mer, confectionnée à la hâte par une espèce humaine qui se sait en voie de disparition ? Ou encore, comme le prétendent certains, l'étape ultime avant la prise de contrôle par l'intelligence artificielle ? On peut y lire en tout cas deux tendances significatives et plutôt complémentaires, sinon antagonistes : d'une part le web marchand et "officiel" qui prétend afficher clairement ses objectifs, de l'autre un web "underground", comprenant ces millions de blogs personnels qui attisent la curiosité des moteurs de recherche. Preuve en sont les nouveaux outils sémantiques qui, à l'instar d'OWL (Web Ontology Language) s'efforcent de tracer le contenu conceptuel des pages.
Une fois de plus, l'utilisateur se sent rassuré. Il est libre de mettre en ligne sa singularité, de créer les liens qu'il juge pertinents et d'appliquer à ses contenus les tags ou mots-clés qui lui conviennent. Il est donc le prescripteur et le descripteur de ses interventions. Mais quel en est finalement l'interprète ?

métadonnées : cognition, recherche, web sémantique

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